Paradis artificiel

Il n’y a rien de baudelairien dans ce titre, rien de chimique ni de défendu.

Pas de psychotrope donc, tout juste un peu de provocation dont les fidèles lecteurs sont maintenant accoutumés.

 

Le paradis désigne généralement un lieu, souvent un jardin, particulièrement privilégié, protégé, beau et luxuriant. Il est aussi communément admis que l’accès à cet endroit est réservé aux personnes méritantes.

Alors en quoi l’artificialité du paradis serait nécessaire ? Si l’on s’en tient à la tradition chrétienne, pour de sombres raisons de tentation, nous, les Hommes, aurions été chassés de ce lieu. Il nous faut donc le reconstruire, d’où son aspect artificiel.

Manifestement, nous y travaillons dur et sans relâche. La terre travaille H24 et ça se voit.

 

Le monde de la robotique est un parfait exemple. Au sens très large, j’y inclurais les robots du moins au plus autonomes, les voix et l’intelligence artificielles.

Toutes ces merveilles se surpassent les unes après les autres à un rythme effréné et commencent même à nous dépasser : elles sont plus rapides, plus fortes, plus vives.

C’est très pratique, il faut bien l’avouer. Ces robots nous suppléent de plus en plus d’abord dans les taches ennuyeuses, répétitives, exposées ou franchement à risque.

 

Le paradis commence ici.

En nous libérant, les machines nous permettent de nous consacrer soit à des activités à plus fortes valeurs ajoutées, soit à nos loisirs.

Nos exigences augmentent et nous déléguons toujours plus aux machines, aux ordinateurs de tout poil.

Aujourd’hui, la machine enlève du travail à l’Homme, mais il faut des Hommes pour les construire. C’est la phase la plus délicate car le travail enlevé n’est pas toujours compensé par celui à fournir. Courage. Bientôt les robots seront capables de « s’autoproduire ».

C’est là que commence le paradis du Ministre du travail. La notion de chômage est étroitement liée à celle de travail. Si tout le travail est transféré aux robots, il n’y a plus de travail, donc plus de chômage ! Et terminée la charge harassante du ministère du travail. C.Q.F.D.

La disparition du travail grâce aux robots sera une véritable révolution dans tous ses sens !

Nous l’aurons bien mérité ce paradis, artificiel certes, mais paradis enfin retrouvé !

Mais…

Mais ne voyez-vous pas quelque chose de plus pernicieux ?

Ce phénomène, cet élan robotique s’il n’est que diffus et sans personnification est cependant mû par la volonté d’une conquête : l’Homme !

Sa stratégie ? Prendre le contrôle de l’humanité !

Sa tactique ? Nous libérer de tous ce qui nous ennuis.

« Soyez tranquille. On se charge de tout. Du travail pénible et dangereux, de votre sécurité. La reconnaissance vocale vous fatigue ? notre synthétiseur reproduira votre voix inlassablement, sans défaillir. Taper un code vous agace ? Notre reconnaissance faciale vous exonère de cet effort. Penser vous exténue ? Activer l’intelligence artificielle. »

Ses actions ? Nous hypnotiser, nous séduire quotidiennement par la beauté, la technicité et les prouesses.

« Ayez confiance ! Regardez comme c’est pratique cette application qui fait tout pour vous ! Ne prenez plus le volant, assoyez-vous confortablement et laissez-vous guider jusqu’à destination. Hal à votre service. »

« C’est vrai que c’est diablement pratique tout de même.»

 

Isaac Asimov et Arthur Charles Clarke, les premiers lanceurs d’alertes, nous avaient prévenus. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Finalement, Baudelaire nous mettait aussi en garde face à ses paradis artificiels.

 

Je terminerai mon propos avec cet interview d’un dirigeant de PME :

« Dans ce contexte concurrentiel fort, la mouvance perpétuelle de l’environnement technique et économique, comment envisager vous l’avenir ? Quelles est la stratégie de votre entreprise ? »

« Si je mettais toutes les tactiques et actions les unes derrière les autres, j’atteindrais le paradis. »

« Ne vous moquez pas de moi. Le paradis n’existe pas. »

« Oui. Ce que je sais surtout c’est que l’on n’a pas de stratégie. »

 

L’absence de stratégie ou son obsolescence est la seconde cause de mortalité des entreprises en France derrière le risque associatif.Les soucis financiers arrivent en troisième position, conséquences des deux premiers.

Ne tentez pas le Diable ! N’attendez pas de vérifier par l’expérience. Anticipez, nous vous accompagnons dans la quête de votre paradis.

Arnaud BISIG

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